Historique de La Fondation d’Heucqueville

Histoire De Nos Enfances

Texte de Jean-Pierre Leguéré © avec la participation du Collectif Les Enfants de la Fondation d’Heucqueville

Préambule

L’Histoire de la Fondation d’Heucqueville a duré quarante-quatre ans, de 1935 à 1979. Généreuse, mouvementée, tourmentée, cette Histoire est aussi multiple. Elle est en effet constituée des 1747 histoires singulières des enfants recueillis auxquelles s’agrègent celles tout aussi particulières de leurs parents, naturels et adoptifs, sans oublier celles des intermédiaires : personnel de la FH, infirmières, sages-femmes, assistantes sociales… On ne saurait, de plus, raconter l’Histoire de la fondation avec exactitude et rigueur sans la resituer dans son contexte historique : les anxiétés de l’avant-guerre, les brutalités de la guerre, les misères de l’après –guerre puis le début de ce qu’on appelle les Trente Glorieuses. Tout au long de cette période, l’idée que l’on se fait de la famille se trouve confrontée à la violence des faits en même temps qu’à la constance des lois, tricotées pour faire des enfants tout en protégeant l’identité de la mère par le droit à l’anonymat. Tricotées avec ce barbelé terrible qu’est le secret.

C’est cette histoire-là, que veut éclairer le site des Enfants de la Fondation d’Heucqueville. Avec l’ambition de donner à chacun quelques fils qui lui permettront de tisser avec plus d’exactitude et plus de richesse la tapisserie de sa propre histoire.

Les sources de ce récit se trouvent pour certaines aux Archives nationales à Saint-Denis, ce sont celles, peu nombreuses et certainement incomplètes de la Fondation. Les résultats des travaux scientifiques récents sur l’adoption, le rôle de l’Assistance publique, les évolutions de la politique entre les deux guerres, pendant la guerre, puis sous la Quatrième et la Cinquième République ont nourri notre regard sur l’importance des contextes successifs ; on ne saurait de toute évidence rien comprendre à la démarche de la Fondation sans les avoir explorés. Enfin, nous remercions les rares acteurs encore vivants ou leurs familles d’avoir revisité leur histoire et celle de la Fondation avec nous. Ils l’ont fait avec une chaleur, une spontanéité, un courage qui dit mieux que tout leur attachement à l’œuvre à laquelle, d’une manière ou d’une autre, ils ont participé ; nous leur redisons ici notre gratitude.

Les témoignages des membres du Collectif « Les Enfants de la Fondation d’Heucqueville » ont permis de comparer les expériences vécues, de mesurer les conséquences heureuses aussi bien que dramatiques de l’adoption sur leur vie personnelle et celle de leurs familles. Ceux qui liront ces lignes peuvent à leur tour enrichir notre récit de leur vécu.

Chapitre 1 – 1933-1936 : le temps de la conception

1933-1936 : ces trois années couvrent celles de la maturation du projet de la Fondation, de sa conception et de sa naissance, au forceps. Le projet était un arbre généreux, réaliste, pertinent, porteur de milliers de bourgeons qui grandiraient à leur tour : ceux des enfants abandonnés à qui l’on voulait redonner toutes les chances d’une vie de citoyens à part entière. Pourtant l’intelligente générosité de la cause, loin de susciter l’enthousiasme de tous, excite la rapacité confraternelle, déclenche la méfiance de l’Administration, engendre la dissension familiale.
Malgré ces obstacles auxquels s’ajoutent les chagrins intimes, la maladie et la mort, trois hommes déterminés mènent à bien la construction. Ils portent tous trois le même nom de famille : Vigneron d’Heucqueville. Ils figurent sur cette photo, en noir et blanc, prise en 1933, avec pour toile de fond une vaste bibliothèque ; au centre, voilà le plus âgé d’entre eux, Charles ; à sa droite, cet homme très brun encore, d’apparence énergique, vêtu d’un costume noir sur lequel est enfilée la blouse blanche du médecin, est Raoul, son frère cadet; à la gauche de Charles a pris place un jeune homme au regard incisif, c’est son neveu Georges, le fils de Raoul.

Trois hommes pour mille berceaux
Charles et Madeleine : les esprits fondateurs
Raoul, un pédiatre innovant
Georges, psychiatre pour enfants

Une France sans enfants
Voyage chez les démographes
Les heures de la dénatalité
Bâtards, polissons, vauriens, voyous, paresseux…
Le trajet ordinaire d’un gamin de l’Assistance

Une naissance controversée
1934 Le décret fondateur
Vint le temps des douleurs
Madame Thaleilmer oublie ses gants
Enfin, La signature du décret !
Louise Lafon : La dame de cœur
L’Entraide ne renonce pas à son combat
Déchirements familiaux

Chapitre 2 – 1936-1939 : les premiers pas, tambour battant

Le projet est solidement construit. Les principaux obstacles semblent levés. Les ministères de tutelle dont donné leur accord. Le décret de reconnaissance est signé.
La Fondation s’installe provisoirement dans l’hôtel de l’avenue Foch mais Georges et Raoul s’appliquent à construire un nouveau lieu mieux adapté à la vocation de la Fondation : c’est ainsi que la plupart d’entre nous passeront par l’avenue Montmorency.
Louise Lafon rencontre les premières mamans, Raoul et Georges jaugent les premiers parents adoptants : la Fondation fait déjà ses premiers pas. Elle est une institution, c’est à dire un être vivant, étroitement dépendant de son environnement, économique et social aussi bien que de l’évolution des mentalité ; L’influence de cette dépendance se mesure dans les changements de regard mais surtout dans la rédaction des lois sur l’adoption. Cette même institution est tout aussi étroitement dépendante des hommes et des femmes qui la composent, de leurs expériences, de leurs idées, de leurs interrelations. Au cours de cette première période d’activités, elle avance à grands pas. Tambour battant. Des tambours que remplaceront bientôt les tocsins de toutes les villes de France pour annoncer la guerre.

On s’installe avenue Foch
Georges, directeur de la Fondation
Louise Lafon commence son travail

1937-1940 Chronique d’une adoption
La naissance de René-Jacques
Marie Louise et les « filles-mères
En vertu de l’article 352…

Maisons maternelles et enfants secrets

Boulevard Montmorency : un aménagement sur mesure
Le Centre d’études de la Fondation et les berceuses
Élève-interne et berceuse
Les cours : enseignants et contenus

La Fondation et le contexte légal de l’adoption
Des lois gardes-folles
La loi de1923
Loi de 1939 : le code de la famille

Chapitre 3 – 1939-1945 : La Fondation sous l’occupation

La guerre est le sujet ou le cadre d’un nombre extraordinaire de récits, de romans, de films ; ils se comptent par dizaine de milliers et se publient sur tous les continents. C’est que la guerre offre aux auteurs la possibilité de mettre les personnages en situations extrêmes, de montrer leurs vies affective et psychologique exacerbées par les dégâts de la guerre sur leurs corps, leurs villes, leur pays, mais plus encore sur leur intelligence, leur intimité, leurs valeurs les plus profondes. La vie ordinaire est pour nous tous un tissu d’antagonismes, de paradoxes, d’oppositions à concilier ; l’enfer de la guerre permet la contraction de toutes ces contradictions en quelques instants, quelques heures, mois ou années. Aussi, pendant cette période douloureuse, la vie quotidienne de la Fondation n’est-elle pas celle d’un îlot de tranquillité mais, comme partout ailleurs, on y subit la violence des armes, on y entend les craquements du chaos, on y ressent le froissement des vies.

La Fondation sous l’occupation
Les prémisses de la guerre
La production de chair à canon
Le voyage à Rochecorbon
La fin de la drôle de guerre
L’État français et l’accouchement sous X
Une loi archaïque mais toujours présente
Un environnement difficile
Le processus d’adoption après la mise en place de l’accouchement sous X
Le mutisme malgré les recommandations
Une assurance dotation : pourquoi faire ?
Pierre-Paul, Jacques, Fabienne, Marianne : quatre situations singulières
Un paradoxe symbolique
Une situation conflictuelle avec l’Assistance publique
Fin de guerre et guerres intestines

Chapitre 4 – 1945- 1960 : Après la guerre, une nouvelle organisation

Vous avez entre 50 et 67 ans au moment où s’écrivent ces lignes. Les parents adoptifs des plus jeunes d’entre vous sont peut-être encore vivants, les parents génétiques aussi. Les uns et les autres ont vécu cet épisode de notre récit. Nous racontons ici la tourmente que vit l’œuvre dans un contexte de changements d’une grande violence: la France passe de la guerre à la paix, non sans tourments intérieurs, non sans de cruelles luttes intestines ; il lui faut du temps pour retrouver un certain apaisement. Mais, au fur et à mesure que se creusent les fondations, que s’élèvent les maisons et les bâtiments publics, s’effectue la reconstruction politique, économique et sociale de la nation. Les mœurs changent, les pratiques évoluent. Après une période où s’accroît le nombre d’abandons s’amorce une heureuse décrue du nombre d’enfants abandonnés et par là même d’adoptions. C’est aussi l’époque où disparaissent les fondateurs.

Après la guerre, les tempêtes
Un univers tout à la fois lumineux, confus et chaotique
Entre le père et le fils, un froid d’hiver
Les griefs de madame Vézien
1945-1946 : les années de luttes intestines
Georges quitte la Fondation
Le second assaut de l’Assistance publique
1953 : le Conseil d’administration édicte un nouveau règlement
Le départ de Louise Lafon : autre temps, autres mœurs
La disparition de Raoul
L’inspection de 1960 : le respect mutuel retrouvé

Chapitre 5 – 1960-1979 : la Fondation après le départ de fondateurs

Cette cinquième période de notre récit se subdivise en deux parties. La première relate les onze années qui se déroulent jusqu’en 1971 au boulevard Montmorency ; la seconde voit l’œuvre déménager dans de nouveaux locaux, plus modestes à Meudon.
Si le Conseil d’administration conserve la plupart de ses principaux membres, c’est toutefois sans aucun des trois fondateurs. Le personnel n’est plus le même ; l’esprit initial a changé même si les nouveaux arrivants effectuent leur tâche avec dévouement et un véritable attachement à la Fondation. Mais surtout nous sommes entrés dans cette période que les historiens appellent les Trente Glorieuses. Ces années-là sont en effet porteuses de changements économiques tirés à la fois par l’investissement et la consommation ; elles sont aussi porteuses de changements sociaux majeurs. La natalité est repartie à la hausse, elle devient un souci moindre pour les gouvernants. Les abandons d’enfants se font plus rares alors même que le nombre d’avortements se multiplient.
Cependant, la dévaluation, l’accroissement des charges, sont autant de causes de la dégradation des finances de l’œuvre. Les frais fixes qu’engendre la propriété du boulevard Montmorency sont trop lourds et devenus disproportionnés dans le contexte général de diminution des adoptions.
L’œuvre prend ses nouveaux quartiers à Meudon en 1971. Son activité ne cesse de diminuer. Il faut se rendre à l’évidence et accepter la dissolution. Tous les dossiers des enfants adoptés de 1935 à 1949 partent en fumée…
La Fondation lègue son capital, selon les volontés clairement exprimées par Charles d’Heucqueville, à deux œuvres d’adoption : l’Œuvre des Nids de Paris, qui a fusionné en 2010 avec la Famille adoptive française, et l’Œuvre de l’Adoption qui reste, elle, toujours en activité.

Changement de société
Trente Glorieuses, Baby Boom et autres bouleversements
L’avortement croît, l’abandon diminue
Un protocole et des pratiques bien réglés
Parole ou silence, une lente évolution
Le déficit chronique sape la Fondation

Meudon ou l’incinération
La pouponnière prend ses quartiers à Meudon
La fin de l’espérance
Le Conseil d’administration décide de da dissolution
Brûler les racines
Les légataires de la Fondation
Que sont devenues les œuvres légataires
Comment accéder à votre dossier ?

Postambule

Voilà les « Les enfants de l’ombre » mis en lumière !
Faut-il remercier France 2 dont l’émission nous a conduit à un long travail d’échanges avec des acteurs de la Fondation, de lectures attentives des archives existantes, et de restauration d’une histoire de la Fondation jusqu’ici faite d’à peu près, de mensonges, d’imprécations, et même, disons le mot de turpitudes ? Certes non, les dommages sont là, à peu près irrémédiables grâce à la force de l’image télévisée. Cette force est admirable lorsqu’elle vise à distraire avec intelligence et à éduquer. Elle devient une plaie de la société lorsque l’objectif n’est autre que de faire de l’audience, au prix du mensonge et de la vulgarité.
Qu’importe ! Nous sommes conscients d’avoir contribué à éclairer l’histoire de la Fondation et à travers elle l’histoire de notre pays.
Nul doute que nombre de nos lecteurs, en particulier ceux qui ont connu la Fondation à un titre ou à un autre : responsables administratifs, pédiatres, berceuses, infirmières, assistantes sociales, parents adoptifs, tous ceux enfin dont la mémoire peut enrichir ce premier travail apporteront des précisions et des témoignages dignes de publication.
C’est pourquoi, dans un an, nous publierons une édition revue et enrichie de cette Histoire de nos Enfances.