La naissance, L’adoption, La découverte du secret, La frustration.
La naissance
Conçu durant la guerre, peu de temps après la libération, ma mère biologique accouche sous X dans une maternité du 14e arrondissement de Paris. Non reconnu par mes parents biologiques à ma naissance, relativisons, qui reconnaîtrait son enfant à la naissance ?
Je suis donc né sous X, échappant ainsi à un destin ordinaire. Récupéré par Madame Lafon, déléguée de la pouponnière de la Fondation d’Heucqueville, qui m’exfiltra de la maternité de Port Royal, j’étais accueilli dans la pouponnière, Boulevard de Montmorency, à Paris dans le 16e arrondissement, je précise l’adresse car plus tard cette localisation ne manquera pas de m’interpeller.
Ainsi, privé d’une famille d’accueil de la DDAS contre rémunération, et évitant sans doute d’être capable du meilleur comme du pire, mais dans le pire, devenir le meilleur… une nouvelle fois j’échappe à un destin habituel.
A ma naissance, au sein de la maternité de Port-Royal, mon avenir n’était sans doute pas très tentant… ne marchant pas à ma naissance, cette situation de dépendance me permit d’apprécier inconsciemment de manière factuelle les mouvements autour de moi… Le mouvement de Madame Lafont de la Fondation d’Heucqueville qui me prit dans ses bras, ces bras qui n’étaient pas ceux de la femme qui me mit au monde. Mais des bras bienveillants qui m’épargnèrent l’Assistance Publique, et me permirent d’être adopté par une Maman et par un Papa exceptionnels, et de partager cette merveilleuse aventure avec ma sœur adoptée par eux deux ans plus tard.
L’adoption
Au sein de la Fondation d’Heucqueville, les poupons nés sous-X étaient interchangeables, mais demain, dès qu’ils seraient adoptés par des couples, ils se différencieraient, remplis d’amour, tatoués d’une histoire, marqués par les expériences offertes par leurs parents adoptifs, ils deviendraient uniques.
C’est l’amour des parents qui singularise, qui arrache à la banalité, à la répétition, à l’uniformité. C’est l’éducation des parents qui façonne notre caractère. Alors ce qui m’arriva à ma naissance fut une chance extraordinaire : je fus choisi, désiré, adopté, je fus l’objet d’une démarche volontaire et courageuse et non le résultat d’une procréation sans doute non désirée. Mes parents adoptifs étaient plus authentiques et devinrent bien plus légitimes que n’auraient jamais pu le devenir mes parents biologiques.
Mon patrimoine génétique est avant tout un patrimoine d’amour d’affection de tendresse de don de soi, de parole donnée.
Notre vie peut durer maintenant un siècle, mais elle commencera toujours par un seul pas ! Les parents adoptifs peuvent être tentés d’éduquer les enfants adoptés avec l’idée qu’ils ont un destin, ce qui serait une erreur, mais nos parents adoptifs ont sus nous armer pour en avoir un.
Je dis nos parents adoptifs, car leur démarche fut intelligente, lucide, généreuse et courageuse : ils décidèrent d’adopter deux enfants, j’ai une sœur de deux années ma cadette, créant ainsi une fratrie qui facilite l’éducation et évite la fragilisation de l’enfant unique. Accomplir un acte remarquable vaut mieux que d’être remarqué.
La découverte du secret
C’était au printemps, le soleil brillait, quand je suis sortie de la Mairie du XIVe, que je regarderai désormais comme un lieu d’un passé qui me fut si longtemps caché.
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J’étais ému, mais au fond heureux du mouvement vers lequel cette incroyable découverte me poussait. J’étais dans l’inconcevable, mais avec des repères éblouissants. J’avais une pensée toute particulière pour mes parents qui m’avaient permis de devenir ce que j’étais devenu. Etre n’est rien, devenir est tout. J’éprouvais un grand bonheur en pensant à mon épouse et à ma fille ; une si belle histoire. Et j’étais fier de moi qui avais entendu une personne demander « l’original » de son extrait de naissance, ce qui n’avait pas manqué de m’interpeller et m’avait encouragé pour entreprendre cette démarche inique et contraignante auprès du procureur de la république pour obtenir l’original qui apportera la preuve de ma naissance sous-X et de mon adoption plénière !
Apprendre à l’âge de cinquante ans, que l’on a été abandonné, puis adopté, c’est fou, c’est peut-être une insulte à l’intelligence, mais comment en vouloir à nos parents qui avaient eu tous les courages en nous adoptant et peut-être pas celui de nous le dire. Car tout au long de mon enfance, de mon adolescence, de ma vie de jeune adulte, j’étais sans interrogations existentielles sur ce que demain serait, élevé à l’aune d’un exemple rassurant, et bienveillant, alors que nos parents devaient se poser mille questions sur ce que nous pouvions et allions devenir.
Ma mère décédée trop tôt, emportant son secret, n’aura pas partagé avec mon père mon regard, lorsque ayant appris mon adoption je lui dis : « que ne me l’avez-vous pas dit plus tôt ? Maman et toi, je vous aurai aimé encore plus fort ! » Seul, suffit l’événement qui nous fera voir ceux que nous croyons connaître différents de ce qu’ils sont.
Adopté, et sans espoir de connaître ses origines biologiques, j’ai toujours eu en moi la faiblesse de croire que le pire n’est pas certain.
Nous voulons savoir ce qui restera et passera et le voulons pour conjurer le spectre des fausses valeurs dans un contexte où il y a toujours trop d’incertitudes. C’est pourtant ce trouble qui rend la vie problématique et passionnante. Se situer là où l’exemple d’une vie moralement supérieure est invincible. Ce qui répond peut-être à l’homme quand il se demande ce qu’il fait sur terre. Savoir, à la fois espérer et ne plus attendre. Seule une information biologique me fait défaut, aucune frustration affective, mes parents adoptifs furent merveilleux.
Vivre, c’est rester dans l’incertitude de ce que sera l’instant suivant. Mais rester dans l’incertitude de ce que fut l’instant initial, le commencement de tout : c’est le courage lucide de renoncer à un espoir vain : celui de trouver l’origine biologique. C’est accepter avec une modestie emprunte d’une extraordinaire lucidité, notre incapacité de renoncer à cautionner l’injustifiable, l’inacceptable, l’inqualifiable: l’abandon.
Oui nous avons été abandonnés, et c’est autre chose qu’être né sous-X, c’est le franchissement de l’incompréhension.
Informé soudainement, et si tardivement, notre esprit s’endigue entre deux murailles qu’on ne franchira plus, ceux qui savaient et nous qui ne savions pas.
Les enfants n’ont pas besoin d’idéaux pour grandir. Ils ont besoin de communication et d’exemples avec des adultes dans lesquels ils ont confiance. Il n’y a pas de véritable histoire à reconstituer il y a simplement un lien affectif qui fut et sera toujours plus fort que le lien du sang. Il n’y a rien à craindre des parents adoptifs, il y a tout à craindre des parents biologiques! L’être humain ne se construit pas grâce à ses origines mais avec son passé, son éducation, son histoire ; ma sœur et moi sommes devenus joailliers, parce que nos parents étaient joailliers.
Je ne sais pas quel est le sang qui coule dans mes veines, mais je sais que j’ai du sang auvergnat qui coule dans mes veines, je sais que l’Auvergne coule dans mes veines. Aux confins du Puy de Dôme et de la Haute Loire, sur cette frontière aride et boisée, que forme le massif du Livradois, modelée par d’innombrables éruptions volcaniques, s’accrochent fièrement des femmes et des hommes que le progrès de la déraison épargne. Mon Père avait épousé l’histoire d’Auvergne le pays de ma Mère et elle était devenue sa région, son histoire.
Une maison de famille c’est une quête d’éternité, l’espoir que tout bouge et rien ne change. La réalité du terrain dépasse toujours la fiction des idées.
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Rien n’est plus complexe que d’élever un enfant. En grandissant, ils nous découvrent avec un autre regard et ils resteront longtemps sans prendre conscience qu’un jour ce sont eux qui tiendront notre rôle comme nous oublions trop souvent qu’avant d’être des parents nous étions des enfants. Les jeunes savent tout, les adultes doutent de tout, les gens âgés croient tout…
Nos parents adoptifs vivaient sans doute dans la crainte que nos réactions, nos comportements, deviennent forts différents si nous apprenions qu’ils n’étaient pas nos parents biologiques. Leur très forte volonté de nous élever et nous éduquer comme des enfants ordinaires a prévalu, ainsi le secret de notre adoption fut incidemment dévoilé lorsque nous atteignîmes l’âge de cinquante ans.
Oserais-je dire si peu de savoir, mais beaucoup de saveur. Car en fait de secret toute la famille, les amis, tous le savaient sauf ma sœur et moi. Mais d’un seul coup apprenant si tardivement mon parcours, me percevant citoyen du monde, ayant quelque part demi sœurs ou demi frères probables… Tout ce qui ne nous tue pas, nous rend plus forts, nous naissons tous provisoirement quelque part, pour ensuite renaître plusieurs fois ailleurs et construisons au travers de ces nouvelles naissances un édifice, notre « moi ».
Quelle que soit la chose que l’on veut dire, il n’y a qu’un mot pour l’exprimer, qu’un verbe pour l’animer et qu’un adjectif pour la qualifier : et pourtant en 1958 nous emménageâmes, nos parents, ma sœur et moi, Boulevard de Montmorency à trois cent mètres de la Fondation où nos parents étaient allés nous chercher treize ans plus tôt, sans que cette nouvelle implantation ne les motive pour nous annoncer notre adoption.
Mais que de choses nos parents ont dû ignorer pour agir ? Le courage d’arrêter de différer le moment d’être soi, leur a sans doute manqué, mais nous étions tellement heureux, comment pourrions-nous leur reprocher de nous avoir élevé comme des enfants ordinaires : maîtres de leur destin et non esclave de leur instinct.
Même si on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment.. avec le recul, comprendre que l’essentiel eu pu être sans cesse menacé par l’insignifiant pour nos parents. L’énigme de la présence d’une chose absente et la menace qu’elle sous-tend, l’oubli et le rapport interdépendant entre « menace » et « oubli », qu’ils ont dû vivre. La faculté de l’oubli, c’est le ressort de l’énergie vitale, nous devenions des enfants comme les autres. Nos parents adoptifs devinrent incapables de se décider face à des motivations antagonistes pressantes, et victime d’un phénomène de double contrainte ; ils pouvaient en situation d’inhibition de l’action, être conduits à interrompre toute action face à un conflit de motivation.
La frustration
La destruction des archives retraçant sans doute ce que fut notre séjour à la Fondation d’Heucqueville et notre adoption, est un défi à la mémoire, stupidité et inconséquence réunies, les innommables instigateurs de la disparition des archives ont transformé notre vie en destin. Même si l’hérédité absente des enfants adoptés vaut bien le secret des hérédités usurpées ; le décès des parents adoptifs sera toujours bien plus tragique que le décès des parents biologiques, car nous perdons simultanément notre origine et notre destin.
Le réel ne se réduit pas à ce que l’on perçoit, ce qui est cru est bien souvent plus important que ce qui est vrai, car l’homme pour l’essentiel n’est-il pas ce qu’il cache ? La découverte si tardive de mon adoption me permit d’éclairer un peu plus mon avenir : il suffit de l’événement qui vous fera voir les gens tels qu’ils sont et non tels que vous les imaginiez ; il faut toujours s’attendre à de l’imprévu.
Paul Georges Michel
Mes parents m’ont permis de conduire mon corps là où, un jour, mes yeux ont regardé, et prendre conscience que le bonheur, ce n’est pas une destination, c’est un voyage, celui de notre vie.
Témoignage de Catherine V
Née sous X le 9-décembre 1947
Pendant 45 ans j’ai vécu en tant que « fille de….mes parents adoptifs –
A 45 ans, l’on m’a dit, assez brutalement, la Vérité, à savoir que j’avais été adoptée – Etant du style à plutôt cacher mes sentiments, mes souffrances, là je me suis un peu effondrée et n’ai pu cacher à tout le monde mon état dépressif . Le monde, mon monde s’est écroulé
Heureusement, mes enfants étaient là pour me faire tenir debout – Ne rien leur montrer et continuer….
Ma première réaction , dès l’annonce de ce tremblement de terre, a été de dire à mes trois enfants que je voulais leur parler – Leur réaction a été formidable et je ne pense pas que cela leur ait procuré la moindre souffrance – « En cœur, ils m’ont dit « Papi est toujours Papi » et cela ne change rien
Bien évidemment que cela ne change rien – <Mon père est toujours mon père – Il m’a aimé et beaucoup donné
Mais Comment a-t-il pu penser que de nous informer, mon frère et moi, nous aurait fait « moins l’aimer « – (Car je pense que c’était cela sa grande peur et non une sorte de honte de ne pouvoir avoir d’enfants ) – Comment a-t-il pu nous laisser croire à plein d’idées fausses….(génétiques, particulièrement pour les médecins)
Je suis allée immédiatement parler à mon père et ma frustration a été grande, l’explication fut courte, succincte ……C’est tout juste s’il se souvenait ! Il avait tout oublié….
« Je voulais le dire à votre majorité, puis votre mère est décédée et je n’ai pas eu le courage de vous le dire seul, m’a t-il dit »
Je crois que je pouvais comprendre cela, mais pas les mots que l’on vous laisse dire pendant 45 ans
J’ai du Cholestérol comme mon père…..
Je pourrai avoir un cancer du Rein comme ma mère , étant possible qu’il soit héréditaire
Benjamin ( mon 2 ème fils) , ressemble beaucoup à son grand père……
ET puis l’obsession de retrouver ma mère s’est imposée et le parcours du combattant a commencé….., et n’a jamais fini . Naissance sous x – secret inviolable, si toutefois il était possible d’avoir accès à un dossier car je n’avais pas de dossier à la DASS et les dossiers que la fondation d’Heucqueville possédaient ont été donnés « aux œuvres de l’adoption », qui bien évidemment n’ont pas mon dossier !
Cette obsession de retrouver mes origines, maternelles au moins, n’a cessée de m’obséder. J’avais besoin de tant de réponses : D’ou venait ce mal être que j’ai souvent ressenti, particulièrement dans la famille de mes parents. J’avais au fond de moi le sentiment que quelque chose clochait, que je n’étais pas à ma place.
Et soudain, lorsque j’ai appris que j’avais été adoptée,
ce que je n’avais jamais vu m’a sauté aux yeux, écrit noir sur blanc sur un acte de naissance intégral
« Née sous témoignage de Monsieur Amiot, 13 rue Pierre Guérin, légitimée par ……………….
Née sous X, par l’intermédiaire de la fondation d’Heucqueville.
Malgré l’amour que j’ai eu pour mes parents, ce que l’on ressent est un tel bouleversement, qu’il est difficile de s’en remettre
Le fait d’être née sous X n’est pas anodin, bouleverse une vie ….forge un caractère différent car l’inconscient l’avait toujours su et notre « moi profond » en résulte
Merci à la fondation d’Heucqueville qui a tant fait pour ces enfants abandonnés, d’avoir tout fait pour leur trouver des parents aimants
Catherine V
Témoignage de Catherine Larosa
petite fille de Madame Lafon
JE ME SOUVIENS
On descendait le boulevard Montmorency en suivant la voie du chemin de fer de la petite ceinture. Le petit train circulait en contrebas, entre des talus qui se couvraient au printemps d’iris sauvages. La grille de la villa Montmorency ouvrait sur un monde mystérieux de magnifiques maisons, de jardins fleuris, de grands arbres. Après l’élégante clinique d’accouchement dont l’entrée se parait d’une marquise, c’était l’atelier du sculpteur. Ses deux grandes bretonnes de granite montaient la garde sur le trottoir. On arrivait bientôt à la Fondation d’Heucqueville. Une fois la grille poussée, on traversait un espace qui me paraissait très grand au sol recouvert de petits cailloux qui entraient dans les chaussures.
A gauche une petite maison, à droite un bâtiment moderne gris, c’était la maison des élèves.
En face, l’hôtel particulier, beau comme un château. C’était là que nous entrions. Une fois montées les marches de marbre, on entrait dans un grand hall glissant , ou l’on était accueillis par une étrange odeur, celle qui montait de la biberonnerie. A droite s’élevait un grand escalier blanc. En face c’était le bureau du docteur; il sentait la cire. Je ne m’y atardais jamais. Il ouvrait sur une grande terrasse qui longeait toute la façade arrière en surplombant un grand jardin. Un parc me semblait-il qui descendait doucement vers l’avenue de la Villa Montmorency. Merveilleux jardin avec des marronniers, et à l’aplomb de la terrasse une bordure, peut être de rosiers, sûrement avec des pieds de tomates dont l’odeur me ravissait. C’était le domaine d’Adrien, le vieux jardinier, mon ami, qui me montrait ses plantations.
Quand il ne faisait pas beau, c’était moins drôle. Il m’est arrivé de bien m’ennuyer dans la bibliothèque, grande salle de réunion qui ouvrait sur la terrasse; il y avait un tableau noir et je ne devais pas y toucher. Il fallait ne pas faire de bruit car elle donnait sur le bureau du Docteur. J’avais très peur de lui et je le voyais comme un petit vieux monsieur au visage aigu, aux pommettes sillonnées de couperose, surmontées de toutes petites lunettes, très sévère et volontiers fâché. A côté de lui un plus petit bureau était occupé par la secrétaire. Je me souviens surtout de Colette Valéry Roldeau, douce et rassurante jeune femme. Je pouvais aussi passer par un petit escalier de service à l’autre bout du hall pour aller à la biberonnerie. La biberonnière y régnait au milieu de ses marmites à stérilisation, dans une pièce chaude et humide, d’où provenait la curieuse odeur caoutchoutée qui montait vers le hall.
Si j’avais été sage, ou si l’irascible docteur n’était pas là, j’avais le droit de monter par le grand escalier glissant jusqu’à l’étage des bébés.
Du couloir central, je regardais les berceaux dans leur box. C’était une fameuse récompense. Elèves ou nurses diplômées, je ne faisais pas la différence, ces jeunes femmes me semblaient magnifiques dans leur tenue d’infirmière, avec sur la tête de grands voiles attachés sur la nuque. C’était si beau que j’en avais fait un jeu , me déguisant ainsi avec un voile. Elles m’accueillaient affectueusement. Je me souviens de Janine, la chef qui m’aimait bien, de la petite Huguette , de Suzanne pas très aimable, de Muriel si douce; elle adopte un petit pensionnaire abandonné et anormal, pour lui donner sa tendresse maternelle.
D’un box à l’autre il fallait marcher doucement, ne pas faire de bruit, ne pas entrer, et je rentrais dans le couloir entre les parois de verre.
C’était calme, c’était gai, il y avait les petits cris de bébés, les allées et venues de nurses. Il y avait du soleil, de la lumière. La petite fille que j’étais avait envie de s’occuper aussi des bébés… un jour…
Témoignage de Catherine C
La fondation d’Ajouter au dictionnaire
Aujourd’hui encore à 67ans, je mesure la chance que j’ai eue d’avoir été confiée à cette fondation.
Cette première « pouponière » dirigée par deux médecins aussi remarquables que compétents, un pédiatre et un psychiatre, étaient les mieux à meme – entourés d’un personnel dévoué et qualifié – de s’occuper d’enfants abandonnés en bas age et promis à une adoption choisie.
Naissance sous X / Adoption
Née sous X, dans une clinique privée de Neuilly sur Seine, j’ai été confiée par ma mère de naissance à la fondation d’Heucqueville, dès mes premiers jours.
Mes parents, des bourgeois non fortunés – mon père était officier et ma mère femme au foyer – m’ont adoptée en toute légalité dans les mois qui ont suivi.
Après la perte douloureuse d’un enfant mort-né, ils ont fait le projet d’adopter une petite fille, à l’âge requis pour la loi de l’époque, c’est à dire 40 ans.
Pour des raisons personnelles, ils n’ont hélas pas suivi les conseils des médecins, préconisant de dire la vérité à leur enfant adopté.
Leur décision de garder le secret les a logiquement dispensé de contracter une assurance à mon profit ; leurs seuls frais furent ceux engagés pour la légitimation adoptive auprès d’un notaire.
Révélation de mon adoption
J’ai appris mon adoption, de façon indirecte et dans les pires conditions, à 45ans, par des personnes mal intentionnées.
La violation du secret de famille a eu des effets ravageurs sur mon couple, mes enfants, moi-même mais aussi sur mes parents alors âgés de 85ans.
Heureusement, l’amour qui nous unissait tous, ont eu raison de nos souffrances respectives.
Rencontre avec Diane d’Heucqueville – Recherches
C’est à la suite d’un article paru dans le Nouvel Observateur dans un dossier sur les secrets de famille- auquel je prêtais mon témoignage- que Diane d’Heucqueville m’a contactée en 1999. ( en tant que veuve de Georges d’Heucqueville, médecin de la fondation du meme nom)
Je n’oublierai jamais son accueil « les grands bras ouverts » chez elle, sa chaleur, son sourire, sa bienveillance immédiates.
Je lui dois son aide pour essayer de retrouver mon dossier auprès d’autres œuvres d’adoption.
Bientôt lassée par de vaines recherches tant auprès d’associations d’adoptés (que je fréquentais) que la CNAOP, j’ai finalement décidé d’arrêter la quête de mes origines.
J’avais en effet trouvé en la personne de Diane d’Heucqueville, une digne représentante de mon passé d’origine, mais surtout une vraie amie de cœur avec laquelle j’ai noué au fil des années des liens d’affection aussi profonds qu’avec ma propre famille.
C’est d’ailleurs dans cet esprit de lien indissoluble, qu’à mon initiative, ma mère adoptive et Diane se sont rencontrées à plusieurs reprises, et à mon grand bonheur, particulièrement appréciées, et ce jusqu’au décès de ma mère.
Critiques infondées sur la fondation d’Heucqueville
« Une famille pour un enfant » et non l’inverse, telle était la dernière tirée de la Charte de la fondation d’Heucqueville .
Le dévouement et le désintéressement de ses responsables pendant des années, le réel et sérieux intérêt pour tout enfant confié à leurs soins, discréditent le dénigrement systématique et malhonnête – nourri de fantasmes et d’obsessions infâmes- de certaines personnes, sur cette œuvre d’adoption, digne de respect autant que ses fondateurs.
CC – Janvier 2016
Témoignage de Jean Denis M
adopté à la fondation d’Heucqueville
9 Décembre 2004
Je me permets de confirmer par écrit que mon adoption en 1954, par l’intermédiaire de la fondation d’Heucqueville, Paris 16ème, a été plus que formidable, plus qu’heureuse avec mes parents, ceux ci m’ont appris les valeurs de la vie, l’honnêteté, la droiture, l’espoir.
A ce jour, merci.
Jean Denis M
Témoignage de Jean-Pierre LEGUÉRÉ
S’il y a une chose que nous partageons, c’est bien de la tendresse pour Diane ! Je l’ai rencontré il y a quelques années, tout simplement parce qu’elle porte le nom de la fondation et que ma quête m’a poussé à l’interroger. Elle m’a reçu, comme vous, à bras ouverts, m’a muni des photos de la Fondation…. Merci à elle de sa bienveillance, de sa disponibilité et de son affection.
J’ai eu quand même quelques difficultés à savoir ce qu’il en était des archives de la FH ; il a fallu que nous nous rencontrions plusieurs rencontres et avant de me dire enfin qu’elles avaient été volontairement brûlées. Qu’importe ! Pour vous comme pour moi, elle est un témoin essentiel ; grâce à elle, si je ne sais rien du ventre qui m’a porté je sais à peu près ce qui s’est passé après mon arrivée à l’hôpital de Niort où je suis né.
La naissance sous X n’existait pas en ce temps là ; la mère certifiait qu’elle ne voulait pas garder l’enfant et qu’elle ne voulait pas se faire connaître ; cela suffisait à assurer sa sécurité. Recueilli par l’AP et pupille de cet organisme, j’ai été confié à la Fondation par je ne sais quelle voie. Une chance pour moi sinon c’était l’AP et les fermes qu’il vaut mieux avoir évitées…
Ma mère adoptive était infirmière-visiteuse chef à Amiens au moment de l’adoption. Le corps des infirmières visiteuses avait été créé après la Première Guerre mondiale pour lutter contre la tuberculose. Je travaille depuis bien des mois déjà à l’écriture d’un livre sur ces femmes et leur travail, sur ma mère en particulier bien sûr. Sa jeunesse avait été broyée par la mort de son frère en décembre 14, puis de son fiancé le 14 juillet 15 et je pense que ces lourdes souffrances ne sont pas pour rien dans le fait qu’elle ne se soit jamais mariée.
Maman m’a dit (Pauvre Maman, avec quelles difficultés !) quand j’avais 5 ou 6 ans ce qu’il en était de mes origines et que la seule chose qu’elle savait par la Fondation est que mes parents biologiques n’étaient ni alcooliques ni tuberculeux. J’étais également au courant de l’assurance souscrite auprès des Mutuelles du Mans pour constituer un petit capital à ma majorité. Nous avons bien ri de ce que j’ai alors touché, d’une part parce que les moyens de Maman n’avait pas permis d’investir une somme très importante, d’autre part parce que les dévaluations avaient fait leur œuvre.
Mes rapports avec l’adoption ne s’arrêtent pas là. En 1941, Maman a souhaité adopter un second enfant. Mais elle avait présumé de ses forces. Lors du bombardement de Louviers en juin 40, au retour de l’exode, nous avions trouvé notre maison en ruines. La période qui a suivi, malgré le courage de Maman a été naturellement très dure. Son métier aussi, et sa vie quotidienne comme celle de tous les sinistrés de l’époque. Elle a pris ce second enfant —dont j’ignore d’où il venait— qui nous donnait tant de joie, alors qu’elle était trop fatiguée, elle est tombée malade. On m’a éloigné. À mon retour le « frère » avait disparu, retourné d’où il venait. Je n’en n’ai jamais voulu à Ma mère mais l’injustice de la chose m’a habité toute ma vie et restera gravée dans mon cœur, je le sais maintenant que je suis bientôt octogénaire, jusqu’à ma mort.
La guerre se poursuivit. Nous avons serré les dents et continué à vivre. Ma mère n’avait plus de famille depuis longtemps mais beaucoup d’amis et j’eus des oncles, des tantes et des faux cousins pendant toute ma jeunesse, comme un enfant dans une famille « normale ».
Cependant, cette histoire d’enfance, à la fois si banale et si unique, n’a jamais cessé de me mordre les mollets tout a long de ma vie. Je ne voulais pas blesser ma mère et j’ai attendu sa mort en 81 pour commencer les recherches. Je me suis bien sûr heurté aux murs de l’Administration et il a fallu que je rencontre Diane pour à la fois admettre que je ne n’en saurais pas plus sur mes origines mais au moins mieux connaître les premiers mois de ma vie. Je suis apaisé maintenant (il est temps !) ; cette histoire a déterminé ce que je suis aujourd’hui, se trouve inscrite dans mon identité de façon indélébile et je ne suis pas dupe : il va de soi que ce combat pour faire respecter la FH est une fois encore une façon de prendre la main sur ce qui fût l’amère inquiétude d’une vie. Qu’importe !
Nos histoires à tous sont bien différentes. Mais ces différences fondent la reconnaissance collective que nous avons vis-à-vis de la FH et donnent de la force à notre collectif pour faire entendre une voix autorisée.
JPL